Monsieur François HOLLANDE
Président de la République
55 Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Paris, le 14 août 2014
Objet : Conseil de l’Union Européenne du 30 août 2014 – position sur la Palestine
Monsieur le Président de la République,
Le prochain Conseil de l’Union Européenne va se tenir le 30 août prochain. Il est bien sûr essentiel que la situation en Israël et Palestine et particulièrement à Gaza soient à l’ordre du jour de ce Conseil.
L’Europe a une responsabilité toute particulière dans la recherche d’une paix juste entre Palestiniens et Israéliens. La position de l’Europe qui ressort des conclusions du Conseil de l’Union du 15 juillet et du Conseil Affaires Etrangères du 22 juillet, en ne prononçant aucune condamnation claire de l’agression israélienne contre la population de Gaza, n’a fait qu’encourager l’Etat d’Israël à commettre plus de massacres et de destructions.
Il n’est pas acceptable non plus de laisser les Palestiniens, peuple occupé, et Israël, puissance occupante et grande puissance militaire, discuter face à face les conditions d’une trêve sans que l’Europe ne fasse entendre sa voix.
L’Europe doit parler à haute et intelligible voix et manifester clairement sa volonté politique : le Conseil de l’Union Européenne du 30 août est l’occasion de le faire, et la France doit en être un des artisans principaux.
Les principaux éléments d’un discours cohérent de l’Europe ont déjà été affirmés dans de nombreuses prises de position antérieures :
– l’Europe a maintes et maintes fois condamné le blocus de Gaza, punition collective contre tout un peuple, mais sans se donner les moyens d’être entendue : on en voit le résultat aujourd’hui ;
– l’Europe, dans les conclusions du Conseil des Affaires Étrangères du 12 mai, a exprimé sa confiance dans le gouvernement palestinien d’entente nationale : quelques jours après la constitution de ce gouvernement, Israël est parti en guerre pour le déconsidérer par tous les moyens, par des actions violentes et des bombardements en Cisjordanie et à Gaza. Le soutien au processus de réconciliation inter-palestinienne a été réitéré par le Conseil des Affaires Etrangères du 22 juillet, qui a de plus souligné que ce gouvernement devait prendre en charge la Bande de Gaza ;
– le statut privilégié d’Israël par rapport à l’Union Européenne est intimement lié au respect des droits de l’Homme par Israël, comme le stipule notamment, dans son article 2, l’Accord d’Association entre Israël et l’Union Européenne.
Monsieur le Président, aucune sortie de la crise actuelle n’est possible sans une levée immédiate du blocus et du siège de Gaza ; après ce que la population palestinienne de Gaza a subi ces dernières semaines, il est tout à fait normal qu’aucun préalable ne soit accepté par les parties palestiniennes. Laisser Israël imposer des préalables, c’est se résigner à ce blocus sans fin.
Cette levée du blocus, comme l’a rappelé le PNGO palestinien, est aussi la condition nécessaire à toute opération de secours à la hauteur de la situation.
En cohérence avec des positions maintes fois affirmées par l’Union Européenne, les dispositions minimales par rapport à la situation à Gaza sont donc en toute logique les suivantes :
– La toute première disposition du plan qui doit être présenté à l’issue du Conseil Européen est la levée immédiate et sans condition préalable du blocus et du siège de Gaza, le rétablissement de la liberté de circulation pour les personnes et pour les biens, l’engagement de la reconstruction de l’aéroport (détruit par Israël en 2001 et 2002) et de la construction du port mille fois promis (et que l’AFD était prête à cofinancer), l’établissement d’un lien territorial entre Gaza et la Cisjordanie prévu depuis plus de 20 ans par les accords d’Oslo, la liberté retrouvée pour la pêche et l’agriculture.
– La deuxième disposition de ce plan est le soutien effectif au gouvernement palestinien d’entente nationale, qui doit avoir
les moyens opérationnels d’agir et de se déployer à Gaza, et qui pourra
garantir que cette levée du blocus s’effectue au bénéfice
de l’ensemble de la population de Gaza, meurtrie par 8 années de blocus et des massacres à répétition. L’Europe a jusqu’ici laissé fouler aux pieds par l’Etat d’Israël sa volonté affirmée de vouloir travailler avec ce gouvernement, qui constitue une immense chance pour la paix. Il est temps que l’Europe fasse respecter sa voix. Il n’est plus possible d’en rester au stade des mots et de laisser Israël bloquer cette opportunité.
– Le dernier volet de ce plan tient à la méthode : la diplomatie du consensus, qui prétend trouver des solutions en plein accord entre une puissance occupante toute puissante et un peuple occupé, est à
l’œuvre depuis des années et ne fait que mener à la catastrophe.
L’Europe doit changer de posture et affirmer sa volonté que ses propositions soient mises en œuvre. Elle doit pour cela montrer que
l’impunité d’Israël est terminée, en suspendant les livraisons d’armes et toute coopération militaire avec Israël, suivant en cela l’exemple du Royaume Uni. Et en soutenant clairement la commission d’enquête des Nations-Unies, et la future démarche palestinienne d’adhésion au Tribunal Pénal International. Elle doit aussi faire clairement entendre qu’Israël s’expose à des sanctions, et notamment à la suspension de l’accord d’association avec l’Union Européenne, s’il ne retrouve
pas la voie du respect du droit international.
Enfin, la question des prisonniers politiques palestiniens est au cœur des revendications palestiniennes, avec notamment le refus de libérer les derniers prisonniers pré-Oslo, l’emprisonnement de
prisonniers dans le cadre de l’ « accord Shalit », et les 35 membres du Conseil Législatif aujourd’hui emprisonnés par Israël. L’Europe ne peut pas l’ignorer.
Monsieur le Président de la République, il est urgent d’agir. L’urgence devant la situation de Gaza est à lafois humanitaire et politique.
Nous sommes persuadés que l’Europe doit reprendre toute sa place pour remettre sur la voie de la paix, du droit et de la justice une région soumise depuis trop longtemps à la politique du fait accompli de l’Etat d’Israël. C’est une question de volonté politique, et nous sommes
persuadés qu’il revient en tout premier lieu à la France de porter cette volonté.
Recevez, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre haute considération.
Taoufiq Tahani
Président de l’AFPS